Compte rendu de la commission APHG Civisme de février 2014

mercredi 9 avril 2014
par  Michel Barbe


1) Commission civisme. Samedi 1er février. La Sorbonne.
L’absence de la présidente, Christine Guimonnet, pour cause de grippe aigüe a mis la commission, réduite à quelques présents, en « roue libre ». L’absence d’ordre du jour permit d’aborder, outre quelques informations d’actualité relevant de l’instruction civique, le thème des commémorations de 14/18. J’ai alors évoqué deux épisodes de la guerre, très peu connus sinon inconnus des collègues et des élèves, dans lesquels Marseille a été concernée.
- D’abord, l’opération ratée du débarquement des Alliés aux Dardanelles (presqu’île de Galipoli). Elle a laissé une trace murale à Marseille, celle d’une diversion politico-militaire française réussie sur ce front. Lisons-la, rue Capitaine Dessemond, face au lycée professionnel Colbert (7ème). Un large panneau commémoratif « A la glorieuse mémoire du capitaine Dessemond, mortellement blessé le 25 avril 1915 à la tête de la 10ème Cie du 6ème Colonial mixte, enlevant de haute lutte les forts de Koum-Kaleh lors des débarquements aux Dardanelles ». Découverte ! J’en avais choisi l’étude, mot-à-mot, comme source historique à éclairer pour mes élèves sous forme d’une enquête en direction d’éventuels parents de ce glorieux capitaine... un oncle qui l’avait connu me répondit ! Enchanté par cet intérêt porté par un professeur d’histoire pour ses élèves, il me reçut pour me confier son dossier militaire avec photos ! Enquête publiée dans notre bulletin du « Courrier de la Régionale » n° 9 du 17 mars 1999. Ce débarquement surprise, audacieux mais inutile, pouvait servir à déplacer l’attention sur un théâtre des opérations loin de Verdun et du Chemin des Dames. [Lire de Michel Hérubel La bataille des Dardanelles - 1914-1916 - où la tragédie annoncée Presses de la Cité - 1998].
- Ensuite, un autre épisode politico-militaire tenu secret, occulté jusqu’à nos jours dans les programmes et les manuels de l’arrivée de 40 000 soldats russes en France (répartis entre les fronts en France et à Thessalonique) achetés en 1915, à la Russie tsariste contre des fusils... Le « contrat » était clair : prélever dans les immenses réserves de moujiks très mal équipés et armés pour combler les hécatombes effrayantes dans les tranchées. Débarqués à Marseille dès 1916, défilant sur la Canebière, ils furent isolés de tout contact politiquement contagieux avec les civils porteurs du « virus » républicain français. Parqués aux Eygalades, sous le soleil d’été de façon provisoire sommaire, loin des plaisirs du centre avant l’enfer du front, les soldats se mutinèrent : ils massacrèrent leur colonel pour cause de discipline inhumaine dans une ville qui les accueillait en triomphe...Combattant et subissant des pertes importantes sur le front, le bruit leur parvint, en hiver 1917, que la révolution avait éclaté en Russie et que leur Tsar, Nicolas II, monarque absolu de droit divin auquel ils avaient personnellement prêté serment d’obéissance aveugle... avait abdiqué. Le « contrat » passé avec lui devenait caduc. Exigeant leur rapatriement immédiat, ils cessèrent de combattre. Ni une mutinerie ni une sédition mais un retrait pur et simple de la guerre ! Cas unique dans les annales de la guerre, inimaginable pour tous les Etats-majors : la cessation de la guerre, faute de combattants, pour cause de révolution, n’avait pas été programmée par les chancelleries alliées ! Il leur fallut affronter une situation inédite d’extension de guerre et révolution mêlées, directement « importée » de Russie par-delà tous les champs de bataille européens, d’Est en Ouest, jusqu’en France ! Obéissant à la nouvelle « légalité révolutionnaire » imposée par des « soviets » qui rejaillissaient partout, comme en 1905, les soldats remettaient en cause l’autorité des officiers haïs, attachés à la personne de l’empereur ! Une copie de 1789 en 1917 à Pétrograd et en France ! Panique dans la hiérarchie militaire en pleine répression des mutineries et de « fusillés pour l’exemple » ! Ordre impératif : les retirer du front sans tarder ! L’insurrection « pacifiste » des Russes menaçait le dispositif militaire des Alliés d’une contagion inédite et mortelle pour la poursuite de la guerre pouvant ouvrir sur l’exigence de la paix ...sans victoire ! Sauvant leurs vies en bloc, les soldats russes furent évacués, en unités constituées avec leurs armements, vers le camp isolé de La Courtine (Creuse). Ils n’étaient pas des prisonniers de guerre ! Face à une situation aux implications diplomatiques imprévues, la question de leur retour au front fut au centre des négociations entre les délégués soldats et les autorités russes et françaises, puisque le gouvernement provisoire russe poursuivait la guerre. Le refus des soldats de poursuivre la guerre ouvrit la voie de la répression pour les désarmer. Les autorités françaises suscitèrent un conflit politique entre unités organisées en soviets de soldats, bolchéviks - ayant chassé leurs officiers - et unités conciliatrices, plutôt mencheviks. La reddition des unités bolcheviques à l’issue de cette mini-guerre civile meurtrière « entre Russes », permit de rétablir l’ordre militaire à La Courtine puis de disperser les soldats en France et en Algérie. C’est la victoire des bolchéviks en octobre 17 qui permit à Lénine d’obtenir leur rapatriement volontaire en Russie. Question : Ne serait-il pas opportun et utile d’intégrer cet épisode éclairant sur la guerre, pour montrer que ce fut plus la révolution que « la paix des cimetières » qui mit fin à la guerre ? L’APHG n’est-elle pas officiellement sollicitée pour associer aux commémorations l’autorité morale du corps des professeurs d’histoire-géographie qu’elle représente ? Quel beau sujet d’histoire pour le bac ! ...Les collègues de la commission ignoraient cet épisode resté tabou. Je leur ai suggéré de prendre connaissance du seul livre sur la question, issu de la thèse de doctorat de Rémi Adam (Grenoble) : « Histoire des soldats russes en France - 1915-1920. Les damnés de la guerre » [1996 - L’Harmattan]. Un extraordinaire récit parfaitement « civique » de soldats, sujets du Tsar, vendus comme des marchandises, devenus citoyens libres et égaux par la Révolution. C’est à Marseille que ces soldats débarquèrent pour la Grande boucherie. Quel fut leur sort après leur dispersion de La Courtine ? Lisez le bouquin de Rémi Adam. Il existe aujourd’hui, érigé au cimetière de la Courtine, un monument commémorant leur sacrifice, installé par le Conseil municipal unanime, à la demande de la fédération de la Creuse de la Libre Pensée. Une Association, loi de 1901, intitulée « La Courtine 1917 », a été créée il y a peu « pour la mémoire de la mutinerie des soldats russes à La Courtine en 1917 » ainsi qu’un Comité scientifique destiné à faire connaître cette histoire encore méconnue. (Pour toute information, cliquez sur internet)


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